La Cour des Miracles était un quartier parisien du XVIIe siècle abritant une population marginale de mendiants, voleurs et vagabonds. Son nom provient d'une légende selon laquelle les mendiants simulant des infirmités retrouvaient miraculeusement l'usage de leurs membres une fois la nuit venue.
Historique et contexte de la cour des miracles
La Cour des Miracles apparaît dans l'histoire de Paris au début du XVIIe siècle, bien que ses origines remontent probablement au Moyen Âge. Ces lieux singuliers tirent leur nom d'un phénomène quotidien observé par les Parisiens : les mendiants qui simulaient des infirmités durant la journée retrouvaient miraculeusement l'usage de leurs membres une fois la nuit tombée.
Géographie des Cours des Miracles parisiennes
Paris comptait douze Cours des Miracles principales aux XVIIe et XVIIIe siècles. La plus importante, nommée la Grande Cour des Miracles, se situait entre les actuelles rues Montorgueil et Saint-Sauveur, dans le quartier des Halles. D'autres cours notables se trouvaient rue Saint-Denis, près de Saint-Eustache, et dans le faubourg Saint-Marcel. Ces zones formaient de véritables enclaves dans la capitale, échappant largement au contrôle des autorités.
Organisation sociale et hiérarchie
Ces lieux possédaient une structure sociale complexe, dirigée par un "roi" surnommé le Grand Coësre. Cette monarchie parallèle disposait de ses propres lois et coutumes. Les habitants se répartissaient en différentes catégories : les "narquois" (faux soldats), les "marcandiers" (faux marchands ruinés), les "rifodés" (simulant des maladies), chacun ayant son territoire et ses techniques de mendicité.
Évolution historique et répression
En 1656, la création de l'Hôpital Général par Louis XIV marque le début d'une politique de répression envers les mendiants. Nicolas de La Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, tente de nettoyer ces zones de non-droit dès 1667. Mais c'est Gabriel Nicolas de la Reynie qui, en 1784, ordonne la destruction définitive de la Grande Cour des Miracles, marquant la fin officielle de cette institution parallèle multiséculaire.
Héritage culturel
Les Cours des Miracles ont profondément marqué l'imaginaire collectif, notamment grâce aux descriptions de Victor Hugo dans
Notre-Dame de Paris (1831). Elles représentent un témoignage unique de l'organisation sociale des marginaux dans le Paris d'Ancien Régime, et leur souvenir perdure dans la toponymie parisienne actuelle, notamment dans le quartier des Halles.
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Description des lieux et des conditions de vie
La Cour des Miracles présentait un spectacle de désolation et de misère extrême, caractéristique des bas-fonds parisiens du XVIIe siècle. Les témoignages historiques nous dressent un portrait saisissant de ces lieux de grande pauvreté.
Un environnement insalubre et délabré
L'historien Henri Sauval nous livre une description édifiante de la Grande Cour des Miracles, qu'il décrit comme un
très grand cul-de-sac puant, boueux, irrégulier, qui n'est point pavéHenri Sauval, Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris
Des habitations précaires et surpeuplées
Les logements consistaient principalement en des masures branlantes, construites avec des matériaux de récupération. Les familles s'entassaient dans des pièces minuscules de quelques mètres carrés, sans fenêtre ni cheminée. Victor Hugo évoque ces habitations comme une
ruche monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l'ordre socialVictor Hugo, Notre-Dame de Paris
Absence totale d'hygiène
L'absence d'eau courante et d'égouts rendait les conditions sanitaires catastrophiques. Les déjections et déchets étaient jetés directement dans la rue, attirant rats et vermine. Les maladies se propageaient rapidement dans cette promiscuité malsaine, touchant particulièrement les enfants et les personnes âgées.
Un repaire nocturne
La nuit venue, la Cour des Miracles se transformait en refuge pour ses habitants. Les mendiants retiraient leurs déguisements et faux bandages dans des abris de fortune. L'obscurité dissimulait la misère ambiante, mais l'insécurité régnait dans ces zones non contrôlées par les forces de l'ordre, où voleurs et criminels trouvaient refuge.
La communauté des mendiants et leur organisation
Au sein de la Cour des Miracles se déployait une société structurée, avec ses codes et sa hiérarchie bien établie. Les mendiants s'organisaient selon des rangs précis, chacun ayant son rôle et ses techniques pour soutirer l'aumône aux passants.
Une organisation sociale complexe
La communauté des mendiants était dirigée par un "roi", surnommé le Grand Coësre, qui régnait sur différentes catégories de sujets. Les "capons" formaient l'élite des mendiants, simulant des maladies graves pour attirer la compassion. Les "francs-mitous" se spécialisaient dans l'imitation de crises d'épilepsie, tandis que les "malingreux" exhibaient de faux ulcères et plaies.
Les "sabouleux" feignaient des crises de possessions démoniaques, se roulant dans la boue en écumant. Les "callots" se présentaient comme d'anciens galériens, arborant de fausses cicatrices. Cette hiérarchie complexe permettait d'organiser la mendicité sur les différents territoires de Paris.
Les techniques de simulation
Les mendiants excellaient dans l'art du déguisement et de la simulation. Ils utilisaient des onguents irritants pour provoquer des rougeurs et gonflements, du sang animal pour maquiller de fausses blessures, et des bandages savamment disposés pour suggérer des membres estropiés. Les "courtauds de boutanche" se déplaçaient sur des béquilles en dissimulant leurs jambes repliées.
Le partage du territoire
Les emplacements de mendicité étaient strictement répartis entre les différentes corporations. Les meilleurs endroits - parvis des églises, ponts, marchés - revenaient aux mendiants les plus gradés. Les novices devaient se contenter des ruelles secondaires. Des taxes étaient prélevées sur les gains de chacun pour être reversées au Grand Coësre.
L'apprentissage du métier
Les nouveaux venus subissaient une formation rigoureuse pour maîtriser leur rôle. Ils apprenaient l'argot des mendiants, les techniques de simulation et les règles de la communauté. Les enfants étaient particulièrement recherchés pour leur capacité à émouvoir les passants, certains étant même mutilés volontairement pour augmenter leur "rendement".
Impact culturel et législatif sur la cour des miracles
L'influence de la Cour des Miracles dans la société française du XVIIe au XIXe siècle a profondément marqué la littérature et les décisions politiques. Ces lieux de marginalité ont suscité fascination et répulsion, poussant les autorités à prendre des mesures radicales.
Une source d'inspiration littéraire majeure
Victor Hugo a immortalisé la Cour des Miracles dans "Notre-Dame de Paris" (1831), la dépeignant comme une
"ruche monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l'ordre social". Cette représentation romanesque, bien que romancée, s'appuie sur des témoignages historiques comme celui d'Henri Sauval dans les années 1660. La Cour des Miracles est devenue un symbole littéraire de la misère urbaine, repris par de nombreux auteurs comme Eugène Sue dans "Les Mystères de Paris".
Mesures législatives et répression
Face à la prolifération de ces zones de non-droit, les autorités ont multiplié les tentatives de contrôle. En 1656, la création de l'Hôpital général marque une première volonté d'encadrement des mendiants. L'édit royal de 1784 ordonne finalement la destruction systématique des Cours des Miracles parisiennes, accompagnée d'une politique d'enfermement des vagabonds.
Chronologie des principales mesures
- 1656 : Création de l'Hôpital général pour l'enfermement des mendiants
- 1667 : Installation de la lieutenance de police à Paris
- 1750 : Ordonnance interdisant la mendicité
- 1784 : Édit royal ordonnant la destruction des Cours des Miracles
Transformation progressive du site
Le quartier de la Grande Cour des Miracles, situé entre la rue Montorgueil et la rue Saint-Sauveur, s'est progressivement transformé. Les démolitions de 1784 ont laissé place à de nouvelles constructions. Au XIXe siècle, le percement de nouvelles rues et l'assainissement du quartier ont effacé les dernières traces de cet ancien refuge des marginaux. L'ancien emplacement est devenu un secteur commercial, accueillant notamment le marché Saint-Denis jusqu'aux années 1930.